Des oreilles et des dieux

Décembre 2020, “Des oreilles et des dieux” – Simon de Cazenove, animateur ENQUÊTE

Ce mardi 8 décembre, j’arrive à l’école Saint-Maur à 15h, pour le début de l’atelier. Il en reste deux, avant les vacances de Noël. Ce qui est prévu aujourd’hui… voyager en Asie ! Enfin, pas vraiment, c’est compliqué avec la situation sanitaire actuelle, d’autant que je n’ai pas passé de test PCR depuis longtemps… Le voyage en Asie sera métaphorique puisque nous allons parler aujourd’hui de l’hindouisme et du bouddhisme. Après avoir récupéré les enfants dans la cour, être monté avec eux dans leur classe et avoir fait l’appel, je leur demande ce qu’ils savent de l’hindouisme ; plusieurs réponses : « c’est une religion polythéiste », « c’est la religion des Indiens », « c’est Ganesh », « ils prient des dieux et des animaux en même temps »… Bon, si c’est approximatif, je dois avouer que c’est pas mal comme premières réponses à chaud. Je leur demande s’ils connaissent quelques dieux hindouistes. Sans surprise, Ganesh vient en premier. Puis quelques hésitations, mais j’entends Vishnou. Je les aide pour le troisième, en écrivant au tableau les premières lettres, Shi, en indiquant que ça se prononce « chi »… Le nom est trouvé : Shiva. C’est nettement plus difficile pour le dernier dieu que je voulais leur faire deviner, j’écris Brahma.

2 millions de dieux, difficile à croire…

On passe ensuite au jeu par équipe. Etape 1 : 3 équipes, vite constituées vu la configuration de la classe.  Etape 2 : prendre des images de ces dieux et les associer au texte descriptif qui leur correspond. Ceci est vite réalisé, même si la lecture orale n’est cependant pas toujours une partie de plaisir.

Je leur pose ensuite une devinette. A votre avis, combien y a-t-il de dieux dans l’hindouisme ? Plusieurs réponses fusent. « 4 » « » « moi, je dis 12 » « mais non ! 100 au moins ». Les réponses sont de plus en plus élevées ; je tranche « il y en a plusieurs millions ». Je vois, malgré les masques, plusieurs visages estomaqués. « Mais comment c’est possible ? » Je leur explique : les hindouistes croient que tout ce qui existe est animé par un « principe divin » qui se manifeste à travers des millions de dieux : chacun correspond à une réalité du monde et a sa spécialité. Parmi ces millions de dieux, trois – Brahma, Vishnou et Shiva – sont particulièrement importants et composent la « Trimurti », ce qui veut dire « trois formes » : les hindouistes croient que, lorsque le principe divin se manifeste auprès des humains, il « prend forme » principalement à travers ces trois dieux. Pour les aider à fixer ces informations nouvelles, je leur montre une représentation courante de la Triumrti.

Après leur avoir fait prendre le dessin de Ganesh, je leur demande ce qu’ils savent de cet éléphant. R., cultivée mais très introvertie, répond : elle résume bien l’histoire de ce dieu. Je la félicite, tout en précisant que « Ganesh est le dieu de l’intelligence. Est-ce que vous savez pourquoi ? » Pas de réaction. Je précise que c’est en référence aux oreilles de l’éléphant : « il a des grandes oreilles, donc il écoute beaucoup, mais il a une petite bouche et parle peu ». Cela en fait bien sur rire certains.

Petit détour chez Tintin

Tout d’un coup, J. lève la main. Véritable boute-en-train de la classe, il n’est pas désagréable mais aime bien faire le pitre. Je lui donne quand même la parole : « ça me fait penser à Tintin au Tibet, vous vous rappelez quand le capitaine Haddock croise une vache sacrée ? » Pas mal comme référence… Je lui demande de préciser. Il raconte plus ou moins bien le début de l’histoire (mais je veille ! Il ignore que je suis Tintinophile). Je lui explique que cette anecdote est plus pour ridiculiser Haddock, mais que cela montre en effet qu’il y a bien plusieurs divinités chez les hindouistes. Au moins, il aura aidé les autres à retenir plus facilement cette notion !

Il reste vingt bonnes minutes, nous sommes allés vite, cette fois. Il y a eu un peu moins de prises de parole : est-ce la fatigue hivernale ? Un moindre intérêt ? Je tente de les remobiliser en enchainant avec une activité sur le bouddhisme. Qui connait des mots propres au bouddhisme ? pas vraiment de réponse… Alors j’écris au tableau : Zen, Nirvana, Dalaï-Lama, et leur demande s’ils connaissent ces mots ou ce personnage : quelques réponses brèves « ben, ça veut un peu dire respirer ou penser », « et aussi méditer » oui ! c’est cela ! Il ne reste plus beaucoup de temps, mais je décide néanmoins de raconter l’histoire de Bouddha enfant. Vient l’épisode du bol de lait et du riz qu’il a reçu pour pouvoir mieux méditer, alors qu’il avait jeûné pendant une très longue période. A. fronce les sourcils et demande alors : « En fait, c’est un peu comme l’islam, avec le Ramadan ? » Certains acquiescent, d’autres non, mais je sens un regain d’intérêt. A moi d’en profiter. Dans le peu de temps qu’il reste, je demande à un volontaire d’expliquer brièvement ce qu’il sait du Ramadan, sachant que l’on en a parlé quelques séances auparavant. Miracle, E., assez perturbatrice, veut répondre ! Et ce n’est pas mal ! Malheureusement l’heure tourne. Je conclus : « L’important, pour beaucoup de bouddhistes, c’est la méditation. C’est une religion qui n’a pas un dieu attitré, et que beaucoup investissent à leur manière. Elle est en vogue actuellement car beaucoup considèrent qu’elle aide à réfléchir sur le sens de sa vie, à trouver le calme et la paix intérieure ». M. réplique  : « C’est un peu comme ceux qui font de la philosophie, finalement ! » Bien vu…