Juin 2019, « Ilyès et les croyants « qui ont des preuves entre eux »… » – Marion Nouvellon, animatrice ENQUÊTE

Monosourcil mnémotechnique 

Après une récréation énergique à jouer au foot et au basket sous le soleil du mois de juin, Ilyès, Mamadou et Kilian, trois jeunes garçons de CE2 et CM2 – la fin d’année fait qu’ils ne sont que 3 aujourd’hui –  me rejoignent et nous montons en classe dans le cadre des activités périscolaires des écoles de Paris. Ilyès qui était absent lors de la dernière séance se sent un peu perdu… Ce qui offre une occasion parfaite pour que ses camarades lui résument l’atelier précédent et les notions abordées avec leurs propres mots :   “Moi je me rappelle de rien du tout !” lance Kilian.  “Mmh vraiment ? Tu ne te rappelles pas de ce que nous avions fait avec les étiquettes de couleurs ?” Ces quelques mots stimulent la mémoire du garçon :“Ahh mais si, on construisait des mots sur les religions ! Il y avait quelque chose comme mono…”“Monosourcil !” s’exclame Mamadou. Je réagis : “Il me semble que c’était un mot un peu plus en rapport avec les religions…”

Ilyès tente alors : “Vous avez parlé de monothéisme, c’est ça ?” Les définitions des mots monothéisme, polythéisme, athéisme et agnosticisme leur reviennent alors petit à petit, ce qui ne manque pas de me faire plaisir.

Parler pour mieux réfléchir : tout le monde à la même enseigne !

“Aujourd’hui nous allons jouer à un jeu qui s’appelle “savoir et croire”. Je vais proposer des phrases et vous allez devoir me dire si, pour vous, ces affirmations sont des choses qu’on croit (ou qu’on ne croit pas d’ailleurs) ou des choses qu’on sait. Mais attention pour gagner il faut aussi me donner une justification : c’est même ça le plus important ! J’écrirai tous vos arguments au tableau, autour des mots “croire” et “savoir”.”

Présumant que les deux plus jeunes auront peut-être du mal à se concentrer pendant toute l’activité, je leur propose de dessiner leur réponse plutôt que de simplement l’exprimer à voix haute. “Est ce que c’est parce qu’on est moins intelligent ?” s’enquiert alors Kilian. “Non, non, pas du tout, mais il y a différentes façons de partager ses idées et je me demandais si vous préfériez réfléchir en dessinant ou en parlant” lui réponds-je. “Nous aussi on veut parler !”  lâche Mamadou.

Au fur et à mesure que les phrases s’enchaînent, le tableau se couvre des réponses des enfants. Nous pouvons maintenant lire : “Je le sais car je peux le voir”; “ Je le crois car je ne peux pas vérifier ”. Je leur demande ensuite : ”Louis XIV était le roi de France”. Est-ce qu’on le croit ou on le sait ?”. Ensemble, ils parviennent à comprendre et à formuler qu’il faut des preuves comme des lettres ou des documents officiels pour savoir ce qu’il s’est passé il y a très longtemps. “Est-ce que vous connaissez d’autres types de preuves historiques ?” Mamadou prend alors un air pensif, pour sortir de sa torpeur après quelques secondes et s’écrier : “Les fossiles !!!” Il est alors lancé sur ce sujet mais Ilyès s’impatiente et l’interrompt : “Quand est-ce qu’on parle de religion ?”

C’est qui qui ? 

Nous arrivons finalement à la dernière phrase : Il y a un dieu qui a créé le monde” : c’est quelque chose qu’on peut croire (ou ne pas croire) ou qu’on peut savoir ?”. Ilyès et Kilian qui avaient commencé à décrocher lors de la dernière question se redressent tout à coup sur leur chaise et reprennent la parole, vifs et enthousiastes. Kilian se lance : “C’est croire !”; “Non, c’est savoir, car les volcans c’est qui qui les a créés ? Et l’univers et les gens c’est qui qui les a créés ?” réplique Ilyès.

Mamadou se prononce alors à son tour : “C’est savoir, parce que Dieu il a tout créé.” Je saute sur l’occasion pour mettre en avant la diversité de leurs opinions sur la question de l’origine du monde : “Même si vous n’êtes que trois vous voyez déjà qu’il y a plusieurs idées sur cette question. Est-ce que nous pouvons tous être d’accord sur le fait qu’il existe ou non un dieu ? Est-ce qu’il y a des preuves qui permettent de prouver à tout le monde qu’il existe un dieu, ou plusieurs dieux, ou pas de dieu ? ” “Non”, admet Ilyès, en insistant toutefois : “mais les croyants ils ont des preuves entre eux !”. Je l’interroge : Et est-ce que tu penses que quelqu’un qui n’est pas croyants acceptera ses preuves ? “ Non, il me croira pas”, admet-il.

La France, un pays athée ?

La fin de la séance approche et c’est le moment de faire une petite synthèse : “Donc finalement, on peut dire que savoir c’est quand on a des preuves qu’on peut partager avec tout le monde, que tout le monde peut observer et du coup on peut les tester, vérifier. Alors que pour croire, on n’a pas besoin de preuves, les gens peuvent personnellement faire le choix de croire ou de ne pas croire. En France est ce qu’on a le droit de croire en ce que l’on veut ?” Ilyès : “Oui… mais la France c’est un pays athée”. “Ca veut dire quoi être athée ?”, je lui demande. “Ne pas croire en Dieu”, explique-t-il. “Du coup est-ce que tu veux dire que tous les Français ne croient pas en Dieu ?” Il réfléchit et précise : “Je veux dire que les premiers Français ou quelque chose comme ça étaient athées.” Je souris et le corrige : “Mmh ce n’est pas tout à fait correct, mais nous aurons toute la séance la semaine prochaine pour y réfléchir et découvrir l’histoire de la laïcité en France.”

Des pistes pour poursuivre et aller plus avec eux lors des prochaines séances…