“Le bien, le mal et… la publicité”
Mai 14 “Le bien, le mal et… la publicité” – Marine Quenin, déléguée générale ENQUÊTE
Marine, l’animatrice, introduit la séance en indiquant qu’il s’agit aujourd’hui de poursuivre le thème abordé la semaine précédente avec les deux récits de création. Elle compte bien revenir sur la notion de liberté.
Iblîs, Pinocchio et le pommier
Ils sont très excités et semblent ne pas vouloir se calmer. Elle s’assoit alors sur le banc devant le tableau, silencieuse, et attend. Après quelques secondes, elle demande à Grace, qui n’arrive pas à arrêter de parler, de sortir. Quand les derniers, visiblement un peu gênés, finissent par se taire, elle prend la parole. Elle se lève et leur lit le texte de la Genèse évoquant la création de l’homme et sa chute du paradis. Les enfants sont très attentifs. Elle poursuit avec le texte reprenant la façon dont le récit est présenté dans le Coran.
« On avait donc vu la séance précédente que ces textes cherchaient à montrer que l’homme est un être particulier. Que montrent-il d’autre selon vous ? ». Youssef, enlevant ses lunettes, pour en mettre une branche dans la bouche, dans un geste surprenamment adulte pour un garçon de 9 ans, « ben ils parlent du début de l’homme ! ». Marine le questionne « mais parlent-ils vraiment de la façon dont l’homme a été créé ? ne parle-t-il pas de quelque chose de particulier avec le serpent, ou Iblîs ? ».
Les enfants semblent perplexes, elle tente alors autre chose « Est-ce qu’on peut dire que Adam et Eve ont existé ? a-t-on des preuves ? ». Le dialogue avec Youssef se poursuit « ben oui ». « Ah bon ? » reprend Marine. Youssef se rend bien compte qu’il ne l’a pas convaincue ; il essaie alors quelque chose « ben, on a une preuve que Adam a existé, parce que s’il n’avait pas existé et ben le mal n’aurait pas existé ? ». Marine le regarde, surprise de son commentaire – un geste adulte entrainerait-il des réflexions adultes ? – « à votre avis ? ». Maro qui ne prend la parole que très rarement, visiblement impressionnée par l’idée de parler en public, a choisi de donner son avis « si, ca existerait quand même. » Marine rebondit sur sa proposition « Et si on inversait la proposition de Youssef ? Souvenez-vous, on en avait parlé en début d’année : cela sert à quoi les religions ? pourquoi existent-elles ? ». Adème se lance « pour parler de Dieu ? » ; « en effet, mais ne cherchent-elles pas à répondre aux questions pour lesquelles nous n’avons pas de réponse ? des questions de sens ? ». Les enfants approuvent.
« Et ici, ne s’agit-il pas d’une vraie question ?… Pourquoi le mal existe-t-il ? ». Elle poursuit en montrant que le serpent comme Iblîs sont un symbole de ce mal, et que le récit souligne que Dieu met l’homme et la femme en garde. « Mais leur interdit-il d’écouter ce serpent ou cet ange déchu ? » Wassim répond « ben, non, il les prévient juste ». Dalia complète « ils peuvent choisir ; ils ont écouté le démon. Ils ont choisi. » Marine reprend en acquiesçant et montre que l’homme est libre, que Dieu le prévient, lui indique l’existence du mal, mais le laisse s’y confronter. De la même façon, en le chassant du paradis, il le laisse avec la possibilité de suivre diverses voies, de suivre le bien et le mal. Dans le Coran, le récit indique que c’est en se soumettant à Dieu que l’homme suivra la bonne direction. Petite digression pour évoquer ce geste effectué par les croyants musulmans, lors de la prière, où ils passent leur main le long de leurs oreilles. Ils coupent ainsi symboliquement leur ouïe de ces voix qui les emmènent vers le bien ou le mal. Elle ose même « Pinnochio, vous connaissez ? », les enfants disent « oui » mais semblent très surpris, jusqu’à ce que Waly comprenne où elle veut en venir « ah oui, la petite bête qui veut lui dire ce qui est bien pour lui. Son ange… son ange… » « c’est ca son ange gardien, cette voix qui le guide sur la bonne route ».
Safiatou semble perplexe, elle secoue ses tresses et lève la main « comment le pommier a-t-il pu atterrir dans le paradis ? ». Marine sourit « ne penses-tu pas qu’il s’agit d’un symbole ? ». Jonathan abonde « quant ils ont mangé le fruit, ils ont choisi le bien ou le mal ».
Elle conclut en indiquant que ces textes ne cherchent pas à raconter exactement les débuts du monde, mais plutôt à parler de l’homme, de sa situation, de sa liberté.
Pomme et parfum
Elle demande alors à Madine d’aller chercher Grace, toujours dehors.
Elle leur propose ensuite de la rejoindre au fond de la classe pour une surprise. Pas sur que la formulation ait été idéalement choisie ; ils se lèvent tous, en désordre, très excités et bruyants. Après avoir pris quelques minutes pour retrouver le calme, elle projette sur un mur une publicité pour un parfum.
« Vous voyez quoi ? » « je ne vois rien, Youssef est devant moi » s’exclame Nelson, « viens ici et regarde ». « Il y a le serpent, et puis une femme ! » s’exclame Grace, qui réinvestit donc le cours. « Et quoi d’autre ? ». « Une bouteille de parfum » « Mais, cette bouteille, n’a-t-elle pas une forme et une couleur particulières ? » Nelson, qui visiblement voit beaucoup mieux, propose « elle est en forme de pomme, non ? elle est toute rouge ! ». Marine leur montre alors comment cette publicité renvoie aux récits étudiés en début de séance.
Deuxième image : une autre publicité. Elle leur demande à nouveau ce qu’ils y retrouvent. Grace, définitivement reconquise, se lance « on voit une femme, assise » « où ? » « dans un beau jardin, tout vert. Avec une robe comme une rivière. » « Tout à fait . Et n’y aurait-il pas une bouteille de parfum ? » « ah si, sur le côté. Encore comme une pomme ».
La cloche sonne, trop tôt. Pas le temps de regarder la dernière photo. Gabrielle, l’enseignante, reprendra l’analyse iconographique avec les enfants pour regarder en détail le choix des couleurs, du décor, de la façon de détourner le récit…