“Pourquoi est-on en 2014, au fait ?”
Février 2014 “Pourquoi est-on en 2014, au fait ?” – Marine Quenin, déléguée générale ENQUÊTE
Nouvelle séance pour poursuivre l’analyse de la construction du temps. Après avoir abordé la construction de la semaine, nous nous penchons sur celle du calendrier. Objectif : amener les enfants à toucher du doigt que l’organisation du temps est une construction humaine, et qu’elle peut s’appuyer sur les religions. Le décor : classe de CE2 du sud parisien.
Pour commencer : l’année. Marine, l’animatrice de l’atelier, note la date au tableau, 13 janvier 2014. « Ca veut dire quoi ? ». Les enfants commencent à s’agiter. « Ben, c’est la date d’aujourd’hui ! » « Merci Jonathan, mais encore … ? ». Plusieurs mains se lèvent. Wassim s’exclame « ca veut dire qu’on est le 13e jour de janvier » « Super ! et la fin de la date ? » « Ben, en 2014 ». Nous passons à l’étape suivante, « Mais cela veut dire quoi 2014 ? » ; alors là, colle. Nelson, exilé ponctuellement au fond de la classe pour avoir du mal à rester sur sa chaise, fait les yeux ronds, Youssef évite le regard de Marine et Dahlia, toujours prête à répondre pourtant, semble sécher. « A votre avis, les calendriers ont-ils toujours existé ? quand les hommes préhistoriques existaient, ils avaient un calendrier ? ». Là, ils sont unanimes pour dire non, avec un air presque condescendant. On poursuit le raisonnement : « Ca sert à quoi un calendrier ? », les yeux d’Omaël s’allume « à connaître les dates ! ». On tourne un peu en rond…
Marine revient alors sur l’organisation du temps, un moyen de se repérer pour les hommes, de pouvoir par exemple se donner des rendez-vous sans avoir besoin de repères complexes. Cette construction est donc artificielle. La date renvoie à un compte ; l’année correspond au décompte après un point de départ. « Si moi, je suis née en 1974, j’ai aujourd’hui 39 ans. Mais vous, vous êtes nés en quelle année ? ». Là, Nelson a très envie de répondre du fond de la classe « 2005 ! ». « Vous avez donc 8 ou 9 ans, n’est-ce pas ? Votre calendrier personnel est différent du mien, car il commence plus tard ». Et voilà Marine qui dresse le parallèle avec les religions. Ces dernières n’utilisent pas le même calendrier. Elles utilisent des dates de départ différentes, des points de départ symboliquement forts pour leur histoire, choisis pour leur signification.
2014 ans après… la révolution ?
« En 2014, on est 2014 ans après quoi ? ». Ce genre de questions ouvrent la voie à de multiples interprétations « les hommes préhistoriques », « la création de la terre », « la révolution ». Pourtant, à cet âge là, la construction du temps est maitrisée normalement… Marine leur donne un indice, précisant que 2014 s’inscrit dans un calendrier chrétien et demandant quel événement important pourrait marquer, pour les chrétiens, le début du décompte des années. Nelson a décroché et fouille dans la poubelle, mais Wassim reste, lui, concentré, bien déterminé à comprendre : « Pâques ? ». Dahlia, toujours raisonnée, reprend « la naissance de Jésus ? ». Bravo. « Et avant ? » ; Nelson, qui semble aimer les questions compliquées, se précipite sur celle-ci « ben rien… ». Marine secoue légèrement la tête pour expliquer que cela ne veut pas dire qu’il n’y a rien eu avant, mais que le décompte se fait différemment, on parlera de « moins quelque chose avant Jésus-Christ ».
On poursuit le raisonnement en se penchant sur le calendrier juif, qui célèbre l’année 5 774. Ce calendrier a choisi la création supposée du monde par Dieu racontée dans la Genèse, comme point de départ. Une autre façon d’organiser le temps et sans doute un moyen de se différencier. Comme les musulmans qui, en novembre dernier, sont passés en 1435. Pour eux, le départ de Muhammad de la Mecque pour Médine, l’Hégire, marque le début de leur calendrier.
Cette présentation des autres calendriers ne semblent pas vraiment les convaincre, ou plutôt ils semblent un peu perdus. Marine dessine alors au tableau trois flèches, pour chacun des calendriers pour montrer comment ceux-ci organisent le temps différemment, en indiquant leur point de départ. Et demande, l’air de rien, « donc toutes les religions prennent la date de Jésus comme point de départ de leur calendrier ? ». « Ben non ! ». « Alors pour les musulmans c’est quoi ? » « Pâques » se lance Youssef, réponse qui visiblement ne satisfait pas Dahlia « mais non, tu écoutes rien ; pour les musulmans c’est le départ du Prophète ». Youssef vexé, rétorque qu’il avait mal entendu la question.
L’analyse de la construction du temps se fait par étape : organisation de la semaine, abordée. Construction du calendrier, abordée. Maintenant, au tour de la construction et du déroulé de l’année…