“Un religieux célèbre, le pâte François”
Décembre 13 “Un religieux célèbre, le pâte François” – Marine Afota, animatrice ENQUÊTE
Prenez un centre social dans le 11e arrondissement de Paris, une poignée de collégiens du quartier, une animatrice bien décidée à les amener à questionner certains préjugés, mélangez le tout pendant une heure, un lundi soir… Résultat : un feu d’artifice d’échanges mémorables et des répliques hautes en couleurs.
Après un premier tour de table pour s’enquérir des nouvelles depuis le dernier atelier sous forme de « Hello, quoi de 9 ? », le cœur de l’atelier commence. Marine, l’animatrice, a dessiné un soleil au tableau, au centre duquel figure une question : « C’est quoi une religion ? ». A l’extrémité de chacun des rayons, les enfants doivent trouver des mots pour résoudre l’énigme.
Et là, c’est parti, chacun y allant de son idée, de sa proposition : il est question pour eux de prière, de communauté, de foi, mais aussi de respect, de croyances, ou encore de vêtements ou d’habitudes alimentaires… Une liste impressionnante de justesse. Mais on y retrouve aussi la « primaire cinq fois par jour » pour les musulmans. Et on passe parfois par des détours surprenants : le « Pâte », chef de l’église catholique (logique puisqu’il réside en Italie !)… La « Croix de David », le symbole religieux évoqué par Youssef, quand son camarade lui explique qu’il s’agit plutôt de « l’étoile de Dovis ». Marine reprend pour indiquer que la vérité se situe entre les deux et qu’ils ont chacun une partie de l’expression : « le symbole du judaïsme est l’ étoile de David ». Les deux garçons ne s’arrêtent pas là pour autant ; tant qu’à poser des questions, autant compléter leurs connaissances : « mais c’est quoi son nom de famille, à David ? ».
Marine élabore ensuite avec eux, pour synthétiser, en partant de leurs idées. Qu’est-ce qu’une religion ? Une notion bien complexe. Globalement, il s’agit de leur faire comprendre que le mot renvoie au « rapport de l’homme à l’ordre du divin ou d’une réalité supérieure, tendant à se concrétiser sous la forme de systèmes de dogmes ou de croyances, de pratiques rituelles et morales ». Un ensemble de croyances et de pratiques, donc, pour un groupe ou une communauté. On peut aussi évoquer une manière de vivre et une recherche de réponses aux questions les plus profondes de l’humanité ; pour certains, proches de la philosophie, pour d’autres, source de superstition. Les voilà à peu près d’accord sur une définition.
“La religion, c’est quand on est différent”
Les débats ne s’arrêtent pas là… Pas besoin de les amener à la question du rapport à l’autre, Hamza et Yaya s’en chargent. Ils entament un échange surprenant. Pour le premier, « la religion, c’est quand on est différent», ce avec quoi le second n’est pas d’accord « Faut pas dire ça, c’est raciste ! Si tu dis à quelqu’un qu’il est différent, c’est méchant ! ». Et c’est là que tout se passe, dans ces instants où ils prennent la parole, pour peu à peu comprendre de quoi il est question. L’animatrice attrape alors un feutre et dessine au tableau une petite fille avec un chapeau chinois et des yeux bridés, portant une croix autour du coup, et, à ses côtés, un petit garçon noir avec une kippa sur la tête. Se retournant vers les jeunes : « A votre avis, peuvent-ils être copains ? », tous approuvent. Alors même qu’ils sont tous d’accord pour dire qu’ils sont différents, tant en termes de religion, d’origine que de genre, Yaya remet en cause une partie de la démonstration, « On peut pas être juif et noir, Marine ! ». Il poursuit en affinant sa pensée : « D’accord, on peut être copain et différent, mais si on dit à quelqu’un qu’il est différent pour le rejeter, là je dis que c’est du racisme ! ». Tout doucement, Marine les fait creuser, Youssef passe de « ils sont comme-ci, ils sont comme ça » à « en fait, j’ai peur quand ils ne sont pas comme moi, ou font des trucs bizarres… ». Encore un coup de la « peur » donc… Or, quand, dans leurs paroles, ils passent du « tu » au « je », c’est là où l’animatrice a presque gagné, le début de la mise en perspective. Pour ce qui est de revenir sur la possibilité d’être noir et juif, ce sera pour une autre séance.
A la fin de l’atelier, un des collégiens vient voir l’animatrice et glisse « Dis Marine, qui nous a créé ? Et il y a quoi après la mort ? ». Elle lui répond qu’elle ne pourra lui donner de réponse, que chacune des convictions -religieuses ou non- apporte sa propre réponse. Certes sans solution, il repart néanmoins en ayant compris les enjeux qui se jouent ici : les religions cherchent à répondre à ces interrogations pour lesquelles, eux, comme nous, n’avons pas de réponse… Un début pour comprendre que l’autre n’est pas dangereux, qu’il essaie juste d’apporter sa réponse…